La police, actrice du monde numérique ?
Alter Numeris, ce sont des chercheurs et des penseurs qui réfléchissent les enjeux de la société numérique.
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La police, actrice du monde numérique ?

Evelien De Pauw

Le numérique est la nouvelle norme, affirme Peter Hinssen. Les technologies comme les médias sociaux, les drones, les bitcoins, l’Internet des objets, etc. évoluent à vitesse grand V. La société n’a donc guère le temps de s’adapter socialement et culturellement à leurs caractéristiques, d’étudier leur efficacité et de réguler leur utilisation. La police, membre de la société et gardienne de notre sécurité, cherche elle aussi sa place en tant qu’organisation à l’ère numérique. Pas si simple…

La police utilise la technologie, mais en tant qu’organisation, elle s’adapte difficilement aux changements rapides. Par rapport à d’autres entreprises, elle est à la traîne lorsqu’il s’agit d’intégrer des techniques comme l’analyse de big data, les appareils mobiles et les médias sociaux dans ses processus.

Les citoyens communiquent via les médias sociaux, Internet, des applis. Les prises de rendez-vous chez le médecin, les courses, etc. s’effectuent désormais en ligne. Si nous, citoyens, voulons joindre la police via notre mode de communication habituel, la clarté n’est pas toujours au rendez-vous. Toutes les zones de police ne sont pas accessibles numériquement et il faut souvent chercher le compte Twitter ou Facebook auquel s’adresser.

En matière de lutte contre la criminalité, les recherches menées par Radio 1 montrent qu’un total de 3.524 caméras sont installées dans l’espace public en Flandre, achetées par la police locale ou la commune. Rappelons que la caméra n’est plus à proprement parler une « nouvelle » technologie. Quid des moyens déployés plus récemment ? On constate qu’un certain nombre d’« early adopters » ont investi dans divers outils technologiques : bodycams, bureaux mobiles, drones, etc. La grande majorité des zones de police locales belges ne disposent toutefois pas de telles solutions, et la police fédérale encore moins.

Supposons que demain, la police dispose d’une série de ressources. Serait-elle alors à même de lutter efficacement contre le crime, de prévenir et prédire tous les délits, comme dans le film Minority Report ? En l’absence de recherches, l’efficacité de la technologie fait souvent l’objet d’un débat entre partisans et détracteurs. Cependant, des études ont été menées quant à l’effet des caméras : ces dernières ont des répercussions sur la criminalité à condition d’être utilisées correctement, et c’est souvent là que le bât blesse. En effet, les caméras sont efficaces moyennant une surveillance live – hélas presque inexistante – et lorsque les images permettent de guider les équipes sur le terrain. Par contre, elles sont peu utiles préventivement, bien qu’elles continuent d’être promues et vendues à cette fin. Il en va de même pour la caméra ANPR. La technologie fonctionne, mais dépend bien sûr de la personne derrière la machine : celle-ci doit être capable de traiter la multitude de données.

Inévitablement, qui dit utilisation de la technologie dit aussi vie privée. Les défenseurs du discours sur la protection de la vie privée soutiennent que chaque citoyen a le droit d’être oublié. Bien que je sois convaincu que la police respecte la vie privée et les données personnelles, les systèmes doivent être protégés contre les abus. Un cadre juridique approprié, conforme aux normes actuelles, serait ici le bienvenu.

Cela nous amène directement au point suivant. La technologie apporte des solutions, mais crée aussi de la criminalité. Selon les chiffres de la FCCU, 50 % de la criminalité totale a aujourd’hui lieu en ligne. Les entreprises et les services opèrent de plus en plus sur Internet, ce qui accroît la dépendance à l’égard des TIC et rend les citoyens et les entreprises plus vulnérables aux cybercriminels. Malheureusement, les citoyens manquent parfois de vigilance à l’égard de leurs données, et ouvrent pour ainsi dire leur porte virtuelle. Ici, une politique de responsabilisation et de sensibilisation s’impose ! La police doit aussi trouver de nouvelles ressources pour pouvoir gérer les nouvelles technologies et formes de criminalité. Les conséquences pour la profession de policier ne sont pas négligeables. Cela exige un recyclage professionnel, le recrutement d’informaticiens et le déploiement des moyens techniques nécessaires.

L’utilisation des outils numériques par la police nécessite donc du temps : pour permettre leur intégration dans notre société, renforcer la mise en œuvre de la réglementation correspondante et revoir les structures policières.